Publié le 26 Février 2013
« Comme va vite la déchéance du corps »
écrivit-elle
Celle des deux françaises
Qui était malade à ce moment.
Elles étaient arrivées
Dans un pays sec et plat
Où les femmes portaient des chaussons
Et des robes de chambres.
Les voyageurs qui traversaient ce pays
Tombaient malades,
Alors à l’hôtel les matelas
Etaient couverts de plastiques.
« Pourquoi on ne patauge pas
Dans nos excréments comme les animaux ? »
écrivit-elle,
Faible et malheureuse,
Par 7 jours épuisée
épuisée par 8 nuits
D’une diarrhée monstrueuse.
Dans ce pays
On entendait
Les robinets cracher
L’eau gargouiller
Constellée
De paillettes noires.
Dans son ventre
C’était de la boue,
Crémeuse, coulante,
Orange comme
L’argile des maisons
Orange comme les routes et les champs
Comme la poussière de l’air traversé de lumière,
Grouillante de milliers de fourmis d’or
Qui mangeaient les visages qu’on voyait au travers,
Et les foulards des femmes.
Dans son ventre c’était de la boue,
Une boue qui roucoulait,
Une flaque volcanique, explosive,
Un feu intérieur,
Qui brûlait son corps
Rendu blanc,
Son corps devenu mou
Par la malnutrition, la déshydratation,
Et sur les aisselles, le pubis,
Sur les genoux,
Etaient apparus
Des boutons emplis de pus.
« Comme va vite la déchéance du corps »
écrivit-elle
Celle des deux françaises
Qui était malade à ce moment.
Puis son ventre dit quelque chose d’impératif,
Dans le langage des bulles.
Elle alla aux toilettes, l’air des toilettes devint sale,
Les toilettes devinrent sales.
Elle se vit
Passer dans le miroir,
Et se dit
« Comme j’ai été diminuée déjà ! »
Elle avait peur de la mort, de la mort qui pue.
Elle avait peur de la mort dans cet hôtel moche et cher,
parmi les voyageurs
Malades, français, contents
Parmi les voyageurs
Australiens malades contents
Anglais malades contents,
Italiens malades allemands contents
Qui comptaient les pays en an
Qu’ils avaient pénétrés,
Afghanistan, Iran, Kirghizstan, Azerbaïdjan,
Qui se balançaient des ans,
Qui s’écrasaient,
Ouzbékistan, Turkménistan, Kazakhstan,
Qui s’écrasaient avec leur tête de diarrhée,
Pakistan, Tadjikistan
Leur tête de vomi,
Les australi-an les améric-an les coré-an les allem-an les français-an
Se racontaient leurs merveilleuses aventures de visas,
De caca,
De visa, de caca, de visas, de caca, etc.
La française qui à ce moment
N’était pas malade,
Rêvait des palais antiques
Que bientôt elle allait voir,
« Si près la mythique Samarcande,
Si près Khiva, Boukhara,
Joyaux de l’Orient,
Les princesses, les amours, le miel et le vin,
Les dômes bleus des Medersas
Scintillements du ciel bleu,
Merveilles nées du désert. »
La française malade
Ne rêvait pas.
Elle attendait que passe la nuit
Et avec elle
Les culottes sales,
Les draps sales,
La honte et l’ennui.
Mais au matin alors que son amie
Lui parlait de rapatriement,
Au matin, sans raison, elle était guérie.
Les deux françaises arrivèrent enfin
A Samarcande
Il y avait des dômes bleus,
A l’hôtel
Il y avait deux français qui avaient la diarrhée,
Ça se sentait,
Mais ils étaient contents,
Ils faisaient du macramé.
Le soir elles mangèrent du riz jaune,
Et la française qui n’avait pas été malade depuis quelques temps
Passa la nuit à vomir du riz jaune, puis de l’eau acide,
Puis elle vomissait mais il n’y avait plus rien.
Le 18 décembre au 9B lors de la soirée PAS de projection MAIS... organisée pas le collectif Bayonne Arrive.
VJing : VJ Lui
Musique : Sullivan Coredo
Récit : Mathilde Nègre
Danse : Céline Li
Caméra : Pascal Monthaye